Le jour où France Galop a blanchi Le Bandit...

Publié
Par Dominique Cordier
Le 3 mai dernier, les commissaires de France Galop se réunissaient sous la présidence de William Trichter, pour examiner le cas de LE BANDIT.
Ce dernier, entraîné par Cédric Rossi, avait terminé deuxième d'une coursette sur l'hippodrome de Marseille-Vivaux le samedi 23 avril, épreuve qu'il aurait gagnée facilement si son apprenti-jockey ne l'avait "retenu", aussi maladroitement que brutalement d'ailleurs, peu avant le disque final.
Battu d'un nez ! L'enquête diligentée par les commissaires de courses locaux sur le comportement de LE BANDIT aboutissait à la mise à pied du jockey et la transmission du dossier à France Galop.
Devant ce simulacre de course, on était en droit d'attendre des commissaires parisiens un net alourdissement des sanctions, comme une mise à pied de l'entraîneur, dont la mission première reste de donner les ordres avant une course, une suspension du cheval, voire une amende..
Il n'en a rien été. Très benoîtement, les juges parisiens ont entériné la décision de leurs homologues marseillais.
Il est vrai que pour sa défense, l'entourage de LE BANDIT avait employé les grands moyens. En l'absence de Cédric Rossi, le patriarche Jacques, entraîneur lui aussi, très renommé sur la Canebière, a fait le déplacement jusqu'à Boulogne-Billancourt, pour fournir les explications que vous lirez dans les attendus que nous publions in extenso, mais également pour verser à ce dossier des courriers émanant de jockeys de renom, tels Christophe Soumillon et Franck Blondel...
Les attendus ci dessous, sont signés par William Tricher, Robert Fournier Sarlovèze et Nicolas Landon.Â
Bonne lecture !
"A l'issue de la course, les Commissaires ont entendu en leurs explications le jockey Marvin GRANDIN et l'entraîneur Cédric ROSSI sur la performance du hongre LE BANDIT arrivé 2ème et notamment sur les raisons pour lesquelles le jockey Marvin GRANDIN avait cessé de solliciter aux abords du poteau d'arrivée. Le jockey Marvin GRANDIN a indiqué qu'il s'était fait mal à un pied en sortant des stalles de départ et n'avait de ce fait pas pu solliciter correctement le hongre jusqu'au passage du poteau d'arrivée. L'entraîneur Cédric ROSSI a indiqué que l'apprenti n'avait pas beaucoup d'expérience et qu'il était peut-être, du fait de monter 5 chevaux à l'entraînement tous les matins, trop fatigué pour pouvoir solliciter efficacement le hongre LE BANDIT jusqu'au passage du poteau d'arrivée.
Par ailleurs, le médecin de service a examiné le jockey Marvin GRANDIN et l'a jugé apte à monter les courses suivantes de la réunion.
Les Commissaires ont enregistré leurs explications et, n'étant pas satisfaits des explications fournies par ces derniers, ont sanctionné le jockey Marvin GRANDIN par une interdiction de monter pour une durée de 30 jours, pour ne pas avoir fait son possible pour obtenir une meilleure allocation, conformément à l'article 163 du Code des Courses au Galop et ont transmis le dossier aux Commissaires de France Galop.
Les Commissaires de France Galop, agissant en application des dispositions de l'article 213 du Code des Courses au Galop sous la Présidence de M. William TRICHTER ;
Après avoir examiné le film de contrôle du PRIX BARTHELEMY JEAN ET HENRI CABASSU, couru le 23 avril 2016 sur l'hippodrome de MARSEILLE VIVAUX, une enquête a été ouverte sur le comportement de l'apprenti Marvin GRANDIN ;
Après avoir dûment appelé MM. Philippe THIRIONET, Cédric ROSSI et Marvin GRANDIN respectivement propriétaire, entraîneur et apprenti du hongre LE BANDIT à l'occasion du PRIX BARTHELEMY JEAN ET HENRI CABASSU, à se présenter à la réunion fixée au mardi 3 mai 2016 pour l'examen contradictoire de ce dossier et constaté la non présentation des intéressés à l'exception de M. Philippe THIRIONET, l'entraîneur Cédric ROSSI étant représenté par M. Jacques ROSSI ;
Après avoir, au cours de cette réunion, visionné les films de contrôle du PRIX BARTHELEMY JEAN ET HENRI CABASSU, pris connaissance des explications écrites fournies par l'apprenti Marvin GRANDIN, et entendu M. Philippe THIRIONET et M. Jacques ROSSI représentant l'entraîneur Cédric ROSSI, en leurs explications, étant observé qu'il leur a été proposé de signer les retranscriptions orales de leurs déclarations écrites en séance, ce qu'ils n'ont pas souhaité faire ;
Vu les éléments du dossier ;
Vu le Procès-Verbal du PRIX BARTHELEMY JEAN ET HENRI CABASSU ;
Vu les explications écrites du jockey Marvin GRANDIN, reçues le 2 mai 2016 par courrier électronique mentionnant notamment :
qu'en sortant des stalles de départ, son pied a heurté la stalle ce qui par la suite ne lui a pas permis de bien rester sur ses appuis car il est assez grand ;
que le cheval ayant penché un peu à 100 mètres du poteau, les jockeys en dedans de lui ont crié pour l'alerter de leurs présences et qu'il a donc voulu garder son cheval droit en tirant sur la rêne opposée pour le maintenir sur sa ligne, aux abords du poteau d'arrivée ;
que le cheval ayant mal réagi, il s'est déporté sur celui à sa gauche, réaction qu'a déjà eu ce cheval même avec des jockeys plus confirmés que lui (Franck BLONDEL, Christophe SOUMILLON) ;
que dans cette situation et son pied qui était douloureux, il a essayé de le remettre droit comme il a pu ;
qu'étant apprenti en manque d'expérience, la fatigue du matin, le stress de l'après-midi plus la douleur de son pied, l'ont certainement fait perdre la course ;
qu'il accepte donc la mise à pied de 30 jours car les faits qui se sont produits dans le PRIX BARTHELEMY JEAN ET HENRI CABASSU sont impardonnables malgré qu'il trouve la sanction lourde pour un apprenti ;
Attendu que M. Philippe THIRIONET a déclaré en séance que s'il a exercé des fonctions importantes dans le domaine des courses au trot, il était devenu propriétaire de chevaux de courses au galop grâce à M. Jacques ROSSI qui a toute sa confiance, soulignant qu'il n'intervenait pas dans le cadre de son activité de propriétaire au galop ;
Attendu que M. Jacques ROSSI a déclaré en séance qu'il représentait son fils Cédric ROSSI, entraîneur du hongre LE BANDIT et a souligné que l'ECURIE DU SUD dont il est gérant était copropriétaire dudit hongre ;
Attendu que M. Jacques ROSSI a également déclaré qu'il versait au dossier un certificat vétérinaire indiquant que le hongre LE BANDIT avait fait l'objet d'une opération au jarret droit le 13 août 2015 ;
Qu'il versait également au dossier un examen clinique de l'apprenti Marvin GRANDIN mentionnant qu'Il mesurait 1.72 m et qu'il pesait 51 kg, souhaitant ainsi expliquer qu'il pouvait de ce fait être déséquilibré ;
Qu'il versait enfin au dossier d'une part, un courrier du jockey Christophe SOUMILLON expliquant qu'il pouvait comprendre qu'un apprenti ait beaucoup de mal à se servir d'un cheval comme LE BANDIT car l'ayant monté le 28 décembre 2015 à DEAUVILLE, il considérait que ce cheval est très compliqué et délicat et qu'il penchait beaucoup sur les autres chevaux et d'autre part, un courrier du jockey Franck BLONDEL indiquant :
qu'il a été associé au hongre LE BANDIT à 7 reprises et qu'il considérait qu'il était difficile à utiliser car il penchait sur ses adversaires sous l'effort, d'où le port fréquent d'œillères australiennes ;
qu'il est souvent recommandé de venir à l'extérieur du peloton ;
qu'il n'est pas recommandé de l'associer à un apprenti dont le manque d'expérience et de force rendrait son utilisation compliquée ;
Attendu que M. Jacques ROSSI a précisé que le hongre LE BANDIT avait été monté par un apprenti car il devait porter 65 kg dans la course et qu'il bénéficiait de ce fait d'une remise de poids, soulignant que si l'objectif était de ne pas gagner la course il fallait être très fort pour la perdre d'un nez seulement ;
Attendu que M. Jacques ROSSI a indiqué que son fils avait déclaré aux Commissaires de courses que le hongre LE BANDIT penchait, ce qui n'est pas mentionné au procès-verbal de la course et qu'il tenait à souligner ce comportement en course car c'est un élément important ;
Attendu que M. Jacques ROSSI a mentionné que le hongre LE BANDIT était déclaré partant le mercredi 4 mai à LYON-LA-SOIE dans le GRAND PRIX DE L'HIPPODROME de LYON-LA-SOIE, précisant qu'il avait un meilleur comportement dans les courses comportant peu de partants ;
Attendu que les dispositions de l'article 162 du Code des Courses au Galop prévoient notamment qu'il est interdit de faire partir un ou plusieurs chevaux dans une course sans avoir l'intention de gagner ou d'obtenir le meilleur classement possible ou d'empêcher par un moyen quelconque un cheval de gagner ou d'obtenir le meilleur classement possible ;
Qu'il est interdit de donner à un jockey des instructions de nature à empêcher un cheval de gagner ou d'obtenir le meilleur classement possible ;
Attendu que les dispositions du I de l'article 163 du Code des Courses au Galop prévoient que tout jockey doit, du départ à l'arrivée de la course, en respectant le présent Code, faire son possible pour permettre à son cheval de gagner ou d'obtenir le meilleur classement possible et continuer à le soutenir jusqu'au passage du poteau d'arrivée sans être obligé d'avoir recours à la cravache ;
Que les dispositions du I de l'article 164 du Code des Courses au Galop prévoient que toute personne qui contrevient aux interdictions et aux obligations définies aux articles 162 et 163 qui précèdent, et notamment toute personne convaincue d'avoir par un moyen quelconque empêché un cheval de gagner ou d'obtenir le meilleur classement possible et toute personne convaincue de complicité, peut être sanctionné par les Commissaires de courses et par les Commissaires de France Galop, selon les circonstances, de l'une des sanctions applicables aux propriétaires, entraîneurs et jockeys prévues aux articles 22, 39 et 43 XI du présent ;
Attendu que les dispositions du II de l'article 164 prévoient que les Commissaires de France Galop peuvent s'opposer à titre conservatoire pour une durée déterminée à l'engagement ou au départ d'un cheval dans les handicaps et le, cas échéant, dans toute course publique, dès lors qu'une enquête concernant une/les performance(s) de ce cheval est ouverte par les Commissaires de France Galop en application des articles 213, 162 et 163 du présent Code ;
Qu'à l'issue de l'enquête, si une sanction est prononcée à l'encontre du propriétaire, de l'entraîneur ou du jockey, les Commissaires de France Galop peuvent également s'opposer pour une durée déterminée à l'engagement ou au départ d'un cheval dans les handicaps et le cas échéant dans toute course hippique ;
Attendu que l'examen du film de contrôle démontre, alors que le hongre LE BANDIT galopait à l'arrière du peloton, que l'apprenti Marvin GRANDIN a, dès le dernier tournant, sollicité énergiquement ledit hongre dépassant de ce fait plusieurs concurrents à leur extérieur ;
Attendu que ce comportement tend à démontrer une volonté d'obtenir le meilleur classement possible ;
Attendu que l'apprenti Marvin GRANDIN a ensuite dans la ligne d'arrivée continué à faire progresser le hongre LE BANDIT à l'extérieur de ses concurrents, tout en penchant progressivement vers eux en fin de parcours comme le démontrent la vue de face et la vue de dos du film de contrôle ;
Attendu que l'apprenti Marvin GRANDIN a, aux abords du poteau d'arrivée et après avoir penché un peu plus vers ses concurrents à la corde, repris brusquement le hongre LE BANDIT, perdant ainsi la 1ère place ;
Attendu qu'il y a lieu, dans cette circonstance, de prendre acte de la décision des Commissaires de courses de le sanctionner par une interdiction de monter pour une durée de 30 jours pour ne pas avoir ainsi fait son possible pour obtenir une meilleure allocation, en l'espèce, gagner la course, sanction qu'il n'a pas contesté ;
Attendu toutefois, qu'il ne résulte pas des éléments du dossier et de l'examen du film de contrôle que l'apprenti Marvin GRANDIN a reçu des ordres visant à ne pas gagner la course ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu dans ces conditions de prononcer de sanction à l'égard du propriétaire ou de l'entraîneur du hongre LE BANDIT ;
Attendu par ailleurs que le comportement de l'apprenti Marvin GRANDIN ayant motivé sa sanction s'est produit très près du poteau d'arrivée et n'empêche pas une appréciation de la valeur du hongre LE BANDIT, un écart d'un nez seulement le séparant du premier ;
Attendu qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer d'interdiction à l'encontre dudit hongre ;
PAR CES MOTIFS :
Décident :
de prendre acte de l'interdiction de monter d'une durée de 30 jours infligée à l'apprenti Marvin GRANDIN par les Commissaires de courses en fonction sur l'hippodrome de MARSEILLE VIVAUX;
de ne pas prononcer de sanctions complémentaires."
Nota bene : On a pu entendre ici et là que LE BANDIT avait été pénalisé de sept livres suite à cette pagnolade. Il est exact que le hongre a été remonté sur l'échelle des valeurs, mais pour la deuxième place obtenue le 4 mai (le lendemain de l'audience à France Galop....) à Lyon-La Soie, où il s'est classé deuxième du Grand Prix, entre deux chevaux pointés en 45. Désormais pris en valeur 41,5, il aura le droit de s'aligner au départ d'un quinté+, et avec une première chance s'il vous plaît. Les turfistes, qui ne sont dupes de rien, apprécieront, cela ne fait aucun doute...
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